Du bout des doigts.....
Ma sculpture s’inscrit dans un univers contemporain, celui de la règle et du compas, des lignes géométriques qui le composent. Mise en scène de lignes géométriques d’où se détachent des corps dessinant eux-mêmes des lignes géométriques. Recherche des lignes : lignes de l’acier, lignes de corps tendus. Lignes en contraste avec la rondeur et la sensualité de la chair, paradoxale froideur de l’acier face à la chaleur de l’être…
Mes œuvres sont faites des matériaux de notre siècle. J’aime utiliser les composites ; outre leur inaltérabilité, ils offrent une riche palette de couleurs et de textures ; alliés au métal, ils s’intègrent à merveille à notre architecture.
L’essentiel de mon travail est axé sur le corps humain : il s’agit pour moi de créer une mythologie nouvelle dont l’homme est le centre. Mon but est d’amener la réflexion, de remettre en question, de provoquer l’émotion.
Mes corps sont généralement représentés nus, débarrassés de toute contrainte et convention sociales. Homme démasqué, libéré, en quête de vérité. Homme atemporel, jetant son regard sur le monde. Homme agissant nous incitant à agir.
Je recherche dans mes œuvres la précision anatomique, non pas seulement dans un but esthétique mais pour donner davantage d’expressivité. Si chaque tendon, chaque muscle justifie un mouvement, ma sculpture, par sa sensualité et sa vérité, aura plus de force et saura « prendre corps ». Ce corps « acteur – spectateur » jettera lui-même un regard sur le monde et nous invitera à l’imiter, à prolonger la réflexion qu’il a suggérée ou entamée. Cette démarche « humaniste » est pour moi fondamentale, fruit d’un parcours atypique. Maître es lettres, licenciée en philosophie, je suis sensible à la « plasticité » des mots. Chacune de mes œuvres porte un titre, piste ou amorce de réflexion : « Politique du Rebelle », « Carpe diem », « Echec ou Mat »…Ainsi la création littéraire anticipe et poursuit mon travail de sculpteur. Au lecteur – spectateur de prolonger à présent mon œuvre par son regard et sa réflexion…
Je ne cherche pas à faire des objets d’art. L’esthétique ne peut être un but. Elle doit être là comme un vecteur sensuel du sens et de l’émotion afin de toucher à l’Oeuvre d’Art, celle qui permet de s’adresser à votre cœur et à votre esprit… plus profondément que le regard …
Qu’est- ce qui me pousse à créer ?
Qu’est- ce qui me pousse à créer ? Je ne sais pas… A recommencer sans relâche, à détruire au matin
ce que je croyais avoir trouvé la veille ?…C’est plus fort que moi…Je ne sais pas ce que je cherche…
Combien d’oeuvres dans la même oeuvre ? …Embryons de créations froidement éliminés…
Ils n’avaient sans doute pas ou plutôt ne méritaient pas la vie…Perfectionnisme ?
Je ne sais pas ce que je cherche…Je sais seulement que je suis souvent insatisfaite… Fouiller le tréfonds
de l’être, ce que chacun porte en soi…Toujours partir de l’intérieur….
Cette impatience…quand naît l’ébauche d’une sculpture. Cette armature si pénible et si longue à mettre en place, souvent ratée d’ailleurs, toujours reprise, modifiée, dans le cours de la sculpture, comme si l’oeuvre, déjà indépendante, voulait seule décider, cet acier qui résiste, qui n’est pas au bon endroit, qu’il faut
dessouder, meuler, ressouder…Les mots n’étaient pas les bons. Il faut essayer un vocabulaire nouveau,
celui-là seul qui appartiendra à cette oeuvre, apprendre son langage à elle.
Construire une maquette me révulse. Si quelque chose a été dit…même en petit…
pourquoi s’acharner à le reproduire ?… Je n’aime pas les « séries ».
Chaque oeuvre, si elle ne veut pas être un pléonasme ou un bégaiement doit être unique.
L’atelier
C’est une arène…
Une bande de sable ou s’impriment et s’effacent tant d’empreintes…
Un écueil de terre et le sac et le ressac de mes mains qui jour après jour l’usent
et le façonnent … inlassables et volontaires… chaque assaut l’infléchit d’une imperceptible manière.
Il y a les marées hautes, il y a les marées basses de mes mains, les tempêtes aussi, les colères et les bourrasques, les inévitables scories que le courant
transporte jusqu’à ce moment suspendu, improbable et fragile, ou la création est étale… équilibre bref où les saillies et les creux semblent pour un instant seulement polis d’évidence, laissant les mains sans mouvement…
Il faut profiter de ce silence pour soustraire l’enfin sculptée au flot qui s’apprête…
En toile de fond d’une sculpture
En toile de fond d’une sculpture, pour ainsi dire en filigrane, l’ombre se joue de la lumière, s’insinue dans les replis de la peau, se glisse dans le creux d’une main ou dans la profondeur d’un regard. Ce jeu si complexe, si riche qu’il soit, se mène pourtant facilement, par de légères inflexions,
en accentuant l’empreinte d’une ride ou d’un pli, en exagérant, la
crispation d’un muscle…C’est lui qui fera l’évidence d’une oeuvre, même
si le sculpteur en connait, dès le départ, la coloration finale. Ce travail de fond permettra le jeu des contrastes dans l’exécution des patines. C’est là un moment exaltant, celui où l’oeuvre prend la couleur de la vie, un travail que pour rien au monde je ne voudrais déléguer…Pigments minéraux, organiques ou de synthèse, pigments métalliques ou interférentiels utilisés par l’industrie : la palette est large et les possibilités de création tellement ouvertes ! Passage à l’éponge ou au chiffon doux de multiples couches successives de cire liant les pigments, attente du séchage ou au contraire recouvrement sur la couche encore fraiche…Les recettes s’inventent
au fur et à mesure.