Bizarre, la perception du temps à l’atelier, bien loin de l’image romantique de l’artiste inspiré mettant au jour son oeuvre jaillissant soudain
spontanément de la matière ! Les journées,
si intenses soient-elles pour moi, semblent, de prime abord avoir toutes le même rythme.
Une oeuvre, du moins telle que je la conçois, est forcément longue à naître. Une fois posée la base, elle se construit lentement par de
progressives modifications. Un parallèle littéraire s’impose avec le rythme du Nouveau Roman.
Je pense notamment à La Jalousie d’Alain
Robbe-Grillet. Le thème est simple : un jaloux
observant par une jalousie le monde extérieur ; sept chapitres sur douze commencent par
« Maintenant ».
Le roman avance par descriptions,
des descriptions qui se corrigent de proche en proche ; à première lecture répétitives, elles
donnent une impression de déjà lu. Un détail pourtant varie dans chacune, et, en l’altérant, montre la progression du temps…

C’est ainsi que se déroule ma création. Chaque jour, de légères inflexions vont la changer, probablement imperceptibles pour un néophyte. Jour après jour, elle devient ainsi lentement et inexorablement différente. Lenteur de la création. De l’embryon à l’enfant nouveau-né, que de chemin
parcouru !…L’oeuvre est forcément lourde à porter…Lenteur de la création. Impatience du créateur. Impatience. Et pourtant, elle est là toute proche…Sa naissance sera forcément exaltante. L’impatience tiendra alors du
trépignement. Vite, vite…laissons la se mettre à jour, laissons lui la liberté d’exister sans juger ses défauts qui lui concèderont peut-être un peu plus d’humanité…

petite Échappée Belle